Un transfert qui ne fait pas l’unanimité
Le gouvernement assouplit sa position en retardant l’échéance du transfert
Lors de la Conférence nationale des territoires, à Cahors, Edouard Philippe a annoncé la possibilité de décaler le transfert des compétences eau et assainissement à 2026. Une proposition de loi est venue confirmer cet aménagement. L’objectif pour le Président de la République et le premier ministre étant de « donner une option de liberté » et de « ne pas priver de manière brutale et unilatérale certaines communes » d’une compétence qu’elles souhaitent continuer à exercer.
Le gouvernement introduit la possibilité de déroger au transfert dans certaines circonstances jusqu’en 2026 sur la base d’une minorité de blocage.
Pour les communes qui n’ont pas encore transféré la compétence à leur EPCI, elles auront la possibilité de repousser le transfert soit des deux compétences, soit de l’une d’entre elles, au 1er janvier 2026. A condition « qu’avant le 1er juillet 2019, au moins 25 % des communes concernées représentant au moins 20 % de la population délibèrent en ce sens ».
Ces élus qui veulent laisser les compétences aux communes
Le transfert des compétences eau et assainissement aux EPCI voulu par la loi NOTRe du 7 août 2015 est motivé par la mutualisation des moyens permettant aux territoires d’agir sur leur patrimoine. Cette disposition n’a pas convaincu tout le monde, en particulier l’Assemblée des maires ruraux de France qui dénonce la perte continuelle d’autonomie des communes :
« Cette intercommunalité à marche forcée tourne le dos à l’intercommunalité choisie qui respecte le sens de responsabilité des élus » (source amrf.fr)
Des communes situées en zone de montagne s’alarment également de ce transfert qui ne tient pas compte selon elles des contraintes particulières du service eau et assainissement en montagne. La commune de Laruns, par exemple, rejette toute idée de transfert de compétence : « la gestion en régie permet aujourd’hui de distribuer une eau potable de qualité à un coût maîtrisé » (source laruns.fr).
Le comité directeur de l’Association nationale des élus de montagne a adopté une motion à l’unanimité pour obtenir le maintien des compétences eau et assainissement dans les communes qui le souhaitent. Les élus de montagne y rappellent la spécificité de leurs territoires :
« De nombreuses communes de montagne souhaitent conserver la maîtrise d’un service qu’elles gèrent en proximité, avec un coût de fonctionnement réduit au minimum, pris en charge de façon pragmatique et bénévole par les élus des petites communes de montagne, et que le transfert obligatoire de la compétence à l’intercommunalité alourdira le fonctionnement, éloignera le service et augmentera son coût, au détriment des usagers domestiques et professionnels, dont certains ont une activité très dépendante comme dans l’agriculture, socle de l’économie montagnarde » (source anem.fr)
Les enjeux de l’eau et l’assainissement pour les collectivités territoriales
Le service public le plus utilisé
La gestion de l’eau représente un enjeu fondamental pour les habitants d’un territoire. Elle ne se limite pas au traitement et à la distribution d’eau potable. Les usagers sont sensibles à leur consommation ainsi qu’à l’évolution des prix. Le niveau de service reste pourtant difficilement appréciable, les réseaux étant pour l’essentiel enterrés. Ceci explique la tendance des collectivités à se dessaisir de la gestion de l’eau et de l’assainissement et à la déléguer.
Le paradoxe des collectivités : maintenir la compétence tout en la déléguant
Si l’eau et l’assainissement est, comme le considèrent certaines communes rurales, un enjeu de la politique locale, pourquoi continuent-elles à faire appel au privé pour en assurer la gestion ? Le transfert auprès des intercommunalités ne devrait donc pas bouleverser la donne. Le gouvernement laisse aujourd’hui la possibilité aux communes qui n’ont pas encore engagé le transfert de se préparer au mieux jusqu’à la fin du prochain mandat.
Pourquoi infléchir le transfert ?
Apaiser le climat avec le secteur de l’eau
La loi de finances 2018 prévoit un premier coup de rabot aux agences de l’eau. Pour quel motif ? On peut imaginer qu’en les contraignant financièrement, ces dernières ne seront plus en mesure de financer les collectivités comme autrefois et, par voie de conséquence, laisseront la voie libre à la mutualisation au niveau intercommunal. Conséquence : le conseil d’administration de trois des six agences de l’eau ont reporté le vote de leur budget (source actu-environnement.com).
La position du gouvernement en repoussant le calendrier permettrait d’apaiser les tensions du secteur de l’eau.
Retarder pour mieux s’y préparer
Le temps permettra certainement aux élus réticents de sortir de la zone de trouble et d’apurer l’exercice de ces compétences.