Fonction publique territoriale : L’absentéisme décortiqué

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Fonction publique territoriale : L’absentéisme décortiqué

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À travers cette large étude, Adelyce fournit des clés pour comprendre, mesurer et anticiper les dynamiques de l’absentéisme, et aider les collectivités à bâtir une approche plus préventive, plus équitable et plus durable de la gestion RH.

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Absentéisme : rémunération à 90 %, coûts, causes et leviers ?

Il n’est pas rare d’entendre évoqué, dans la fonction publique territoriale, que l’absentéisme constitue un véritable « fléau ». Un « fléau » coûteux pour le budget masse salariale des collectivités – n’omettons pas qu’elles sont en auto-assurance sur ce risque – et un « fléau » coûteux pour le service public qui s’en retrouve escamoté de la pleine et nécessaire présence de ses effectifs.

Se saisissant de cette problématique régulièrement pointée du doigt depuis quelques années, les pouvoirs publics ont légiféré en prenant des mesures drastiques. Les dispositifs initiés, financièrement pénalisants pour enrayer l’absentéisme, rendent moins favorable la rémunération des agents publics lors des arrêts de travail pour maladie ordinaire.

Ont ainsi été institués :

7 ans après la mise en place de ce premier mécanisme étatique coercitif et 9 mois après l’instauration du second, peut-on aujourd’hui en déduire qu’ils sont parvenus à tordre le cou à l’absentéisme ? Les choses seraient-elles donc finalement si simples ? N’existe-t-il pas de singuliers paramètres, différentes causes visibles et invisibles, qui interviennent dans l’absentéisme ? Et, en définitive, détenons-nous vraiment une bonne perception de ce qu’est l’absentéisme ?

Adelyce a étudié ces questions en interrogeant une maitresse conférencière spécialiste de l’absentéisme, en recueillant plusieurs témoignages sur le terrain et en décryptant les données exclusives de son Observatoire.

Absentéisme, qui es-tu ?

L’éternelle confusion entre absence et absentéisme

Fatéma Safy-Godineau, maitresse de conférences en Sciences de Gestion
GRH – GRH Publique – Santé au travail, ainsi que chercheur au LIREM / Chaire OPTIMA à l’IAE Pau-Bayonne, a conduit de nombreuses recherches sur le thème des absences et de l’absentéisme. Ses travaux s’appuient sur des enquêtes de terrain qu’elle étaye d’éclairages issus de la psychologie du travail.

Ainsi, sur la définition même de l’absentéisme, Fatéma Safy-Godineau précise qu’il réside une différence nette avec la notion d’absence. Cette dernière, portée par des congés réglementaires, se réfère à un évènement ponctuel et « normal de la vie de travail ». Elle cite pour exemples les congés de formation, de disponibilité, parentaux ou maternité.

L’absentéisme, au contraire, est décrit comme « un manque d’assiduité sur son lieu de travail pour raison de maladie ». Il est donc associé à l’état de santé d’un individu et est causé, selon elle, par 2 postulats bien distincts :

  • L’incapacité à être présent sur son lieu de travail pour des problèmes de santé incontestables : accident de travail, maladie professionnelle, congé de longue durée.
  • La volonté de ne pas être présent sur son lieu de travail en raison d’un processus de démotivation

Pour tout comprendre sur ce processus de démotivation au travail qui se dissimule derrière l’absentéisme
et les différentes idées reçues que véhicule le sujet :

Les différentes catégories d’absentéisme

Selon les enquêtes menées par Fatéma Safy-Godineau auprès des collectivités, 3 catégories d’absentéisme se distinguent dans la fonction publique territoriale :

  • L’absentéisme ponctuel, caractérisé par des fréquences et durées courtes. Il est souvent lié, soit à des motifs « qui ne sont pas afférents à la maladie », soit à des motifs « afférents à la maladie mais qui ne nécessiteraient pas d’arrêt ». Cet absentéisme désorganisant constitue « des attitudes de retrait face au travail » et laisse entrevoir « une insatisfaction de ses conditions d’emploi ».

  • L’absentéisme attitudinal, « cumulatif », marqué par une grande fréquence et des durées variables. Il reflète « une attitude plutôt négative et un désengagement vis-à-vis de l’organisation » plutôt qu’à l’égard du travail en lui-même.

  • L’absentéisme maladie, empreint de durées variables mais de durées longues. « Il traduit des problèmes de santé avérés, qui peuvent être physiques ou psychiques » et illustre davantage la dégradation de l’état de santé au sein de l’environnement professionnel.

Observatoire Adelyce : Les absences en chiffres

Périmètre de l’étude

Pour pouvoir examiner de plus près les propos de Fatéma Safy-Godineau et observer leur concrétisation dans la réalité, à travers l’émergence de données explicites et chiffrées, il est important avant toute chose de bien saisir les différentes typologies d’absence mesurables.

Afin d’effectuer cette analyse, Adelyce s’est appuyée sur les données DSN. Pour garantir une base stable, cohérente, et comparable d’une année sur l’autre, seuls les agents présents en continu sur la période ciblée (de 2023 à aujourd’hui) ont été comptabilisés. En outre, la même échelle de temps de travail a été appliquée pour tous les effectifs afin de neutraliser les effets de quotité.

En finalité, la présente étude porte sur un volume d’arrêts de travail de 83 %, soit au total près de 68 000 agents pour 118 collectivités.

Motifs d’absence

Les analyses se concentrent sur 3 motifs d’absence clairement identifiables dans les fichiers DSN : la maladie ordinaire, les accidents de travail et les accidents de trajet. Ont volontairement été exclus les congés de maternité, paternité et les longues maladies (non concernés par les mesures étatiques).

Profils d’agents

En s’inspirant de la classification de Fatéma Safy-Godineau, le premier travail consiste à identifier des profils d’agents. Pour cela, a été utilisée une approche de regroupement automatique des agents selon des caractéristiques communes : la fréquence, la durée et la nature des arrêts.

5 profils d’agents sont alors ressortis :

Il est à noter que le seuil de 2 semaines n’a pas été choisi au hasard. Il permet de distinguer – par analyse des 3 critères cités – les arrêts courts des arrêts longs et donc de mettre en valeur le caractère hétérogène des arrêts.

Fréquence, gravité et taux

Avant de présenter les différents résultats émanant de l’Observatoire Adelyce, il convient de s’arrêter quelques instants sur les 3 notions que l’on rencontre inévitablement lorsque l’on cherche à analyser des absences : fréquence, gravité et taux.

  • Fréquence : Parmi tous les effectifs, combien de fois par an un agent est-il absent ?
  • Gravité : Parmi les absents, quelle durée moyenne d’un arrêt en nombre de jours (par agent et par an) ?
  • Taux : Quel nombre de jours d’absence calendaires rapporté au nombre de jours travaillés calendaires ? Concrètement pour l’employeur, la proportion de jours non travaillés sur un exercice.

Typologies d’absences

Gravité vs Nombre d’arrêts moyens (taille = Taux %) 2024

Sur ce graphique, les 4 typologies d’absences préalablement isolées sont représentées par des cercles. La taille du cercle est proportionnelle au taux : plus le point est gros, plus le taux est élevé signifiant une importante perte du nombre de jours travaillés pour l’employeur.

Nous pouvons constater que les 3 critères (fréquence, gravité, taux) varient fortement au sein des groupes :

  • En haut, en bleu, se dénote le groupe « maladie non ordinaire majoritaire » doté de la gravité maximale (62,2 jours en moyenne) et d’un nombre moyen d’arrêts modéré (1,6 par an). Une rareté si l’on considère la faible proportion d’agents concernés par un arrêt pour accident de travail ou accident de trajet.
  • Juste en dessous mais toujours dans la zone en haut à gauche, en vert, se distinguent les « arrêts longs » : gravité élevée (55,2 jours) malgré un nombre d’arrêts limité (1,3). Il s’agit de la typologie qui présente le taux le plus élevé (2,21 %).
  • En bas à droite : le groupe « 3 arrêts ou plus par an » avec une gravité modérée (14,5 jours).
  • En bas à gauche, les « arrêts courts » avec une faible gravité (environ 7 jours), une fréquence équivalente aux « arrêts longs » mais avec 2 fois plus d’agents concernés. C’est ici que l’on retrouve l’absentéisme « ponctuel » et « désorganisant », théorisé par Fatéma Safy-Godineau.

 

Globalement, les typologies à fort taux correspondent à des arrêts plus longs ou plus graves, alors que les arrêts courts restent prédominants (18 % des agents) mais à impact réduit.

Ces visualisations permettent d’identifier en un coup d’œil les catégories les plus à risque et de mieux cibler les actions de prévention.

Les absences par filière

absences par filière

Il ressort de ce tableau que les filières techniques, sociales, médico-sociales et animation, cumulent souvent un taux d’absence élevé, une gravité importante, et une fréquence supérieure à la moyenne.

Ce constat s’explique par la nature même des missions : des postes souvent exposés à la pénibilité physique, à la fatigue, ou encore aux risques d’accident. Dans la filière technique, par exemple, on observe des arrêts plus longs et un âge moyen plus élevé, autour de 48 ans, ce qui accentue mécaniquement la gravité.

Les absences par filière et typologie

Pour le groupe « des maladies non ordinaires majoritaires », les filières technique et police se démarquent. Leur nombre de jours d’arrêts pour accident de travail et de trajet est plus important que dans les autres filières. Rien de surprenant à cette observation, compte tenu des métiers sensibles exercés dans ces filières.

Du côté du groupe avec « 3 arrêts ou plus par an », c’est toujours dans les filières technique, sociale et médico-sociale, que l’on enregistre les taux les plus élevés. C’est également dans ces 3 filières que les arrêts longs ont le plus fort impact.

Enfin, si on se concentre sur le groupe des « arrêts courts », les différences se révèlent moins marquées. Cependant, 3 filières restent en tête : sociale, médico-sociale et animation.

Les absences en fonction de l’âge

Fréquence par typologie et par âge 2024

On peut remarquer à la lecture de ces graphiques ci-dessus que l’effet de l’âge est très net : les plus jeunes agents s’arrêtent plus souvent, mais pour des durées plus courtes. Pour leur part, les agents expérimentés, eux, s’arrêtent moins, mais plus longtemps.

Très logiquement, la gravité des arrêts augmente fortement avec l’âge. À 60 ans, la durée moyenne d’un arrêt pour accident de travail, de trajet ou arrêt long, peut dépasser 60 à 90 jours.

Cette tendance se justifie très naturellement par le vieillissement global des effectifs dans la fonction publique territoriale. En outre, une autre explication tient dans le fait que les agents partent désormais plus tard avec la réforme des retraites, ce qui prolonge mécaniquement la période d’exposition aux risques de santé et d’usure.

Ces constats mettent en exergue l’importance d’une prévention ciblée sur les dernières années de carrière, pour préserver l’agent et sa capacité à tenir en poste dans la durée.

Les absences selon le genre

Ces graphiques apprennent que les femmes apparaissent davantage représentées au sein des arrêts de travail. Un état de fait qui reflète surtout le poids majoritaire des femmes dans les effectifs territoriaux.

Les chiffres ci-dessus nous renseignent davantage sur les particularités notables entre les sexes. On y dénote spécifiquement :

  • Des arrêts longs (en vert) : ils sont plus fréquents chez les femmes que chez les hommes et le nombre de jours non travaillés y est plus important (2.43 % contre 1,96 %). Cela peut s’expliquer par la grossesse chez les femmes, avec des congés prénataux souvent associés aux congés de maladies ordinaires.

  • Des accidents de travail et de trajet (en bleu) : plus significatifs chez les hommes, avec un taux supérieur (1,27 % contre 0,68 %) et une gravité plus élevée (67,6 jours en moyenne contre 55,1) ;

Les différences constatées ici se justifient principalement par la répartition des métiers : les femmes s’imposent dans les filières sociale, médico-sociale et d’animation, tandis que les hommes s’avèrent plus nombreux dans la filière technique.

Une fois ces effets de structure pris en compte, les écarts de taux ou de gravité entre femmes et hommes deviennent finalement très minces.

Il se révèle donc logique d’évoquer un phénomène d’absences lié aux conditions de travail et à l’organisation des missions, plutôt qu’à des différences intrinsèques entre les agents et leur genre.

Les absences selon le type d’employeur

Les SDIS se démarquent par la faible fréquence des arrêts d’un côté et la gravité moyenne la plus élevée de l’autre (27.8 jours en moyenne). Des résultats empreints d’une évidence : ces métiers sont plus exposés aux accidents que les autres.

Pour leur part, les communes de plus de 20 millions d’euros de masse salariale témoignent d’une fréquence légèrement plus haute et d’une gravité comprise entre 20,6 et 22.5 jours. Des chiffres qui contrastent, mais qui restent finalement assez proches de ce que l’on observe pour les autres strates.

Les absences selon la zone géographique

Si l’on regarde maintenant de plus près les zones géographiques : aucun écart notable ne se dénote pour la fréquence, mais une particularité plus marquée émerge sur la gravité avec 5 jours de différence en moyenne entre l’Ile de France et l’Occitanie. L’explication peut trouver son origine dans l’âge des agents. En effet, l’âge moyen est plus élevé en Occitanie qu’en IDF.

Absences : quelle évolution entre 2023 et 2024 ?

De façon globale, aucune évolution profondément significative ne s’observe. Le taux se stabilise autour de 4,50 % (4,51 % en 2024 contre 4,48 % en 2023) malgré une sensible hausse du nombre d’absents (58 424 en 2024 contre 57 523 en 2023). La fréquence reste, elle, identique (0,7) et la gravité n’a enregistré qu’une légère variation (24,4 jours en 2024 contre 24,3 en 2023).

Jour de carence et rémunération à 90 % : quels réels impacts sur l’absentéisme ?

Maintenant que les chiffres généraux des absences sont dévoilés, observons à la loupe si les réglementations contraignantes imposées par les pouvoirs publics ont eu de réels impacts sur l’absentéisme.

Rappelons le contexte lié à la plus récente actualité.

Suite au rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) de juillet 2024, le décret du 27 février 2025 est venu modifier les règles relatives au plein traitement dans les cas de maladie ordinaire. L’application des 90 % de rémunération varie selon le statut ou encore l’ancienneté dans le cas des contractuels.

Ce décret a initialement été motivé par plusieurs aspects :

  • Des économies sont attendues : l’IGF les estime à près de 300 millions d’euros pour la FPT.
  • Incitation des agents à « modérer la durée de leurs absences ».
  • Diminution du nombre d’arrêts de courte durée présentés comme étant les plus impactants sur le fonctionnement des services publics.


Sans surprise, ce décret n’a pas remporté l’adhésion. Par deux fois, le conseil commun de la fonction publique a voté contre cette mesure (collèges employeurs et employés des 3 versants de la FP). Les syndicats ont, eux aussi, dénoncé ce dispositif culpabilisant pour les agents et participant au décrochage de leur pouvoir d’achat.

Quelle économie sur la masse salariale des collectivités ?

Selon l’Observatoire Adelyce, depuis le mois de mars 2025 (date de mise en application du décret), les collectivités ont dégagé une économie de 0,17 % de leur masse salariale.

Ce chiffre s’appuie sur les données de 170 structures dont les arrêts pour maladie ordinaire des titulaires CNRACL ont été analysés. Dans la continuité des préconisations de la DGCL (direction générale des Collectivités locales), quant aux principes de parité entre les 3 versants de la fonction publique, l’IFSE et le CIA ont été inclus dans la base de calcul.

Au-delà de cette économie glanée par les employeurs publics, quels sont les effets de bord réels sur les absences de cette mesure instituant les 90 % de rémunération ?

Quelle incidence sur la fréquence des arrêts ?

À ce jour, il ne s’identifie pas d’impact significatif sur la fréquence ou sur la durée des arrêts.

Sur le graphique ci-dessus est affichée l’évolution de la fréquence mensuelle des arrêts depuis début 2023. Ce qui doit retenir ici l’attention est le trait vertical de droite qui marque le début de la mise en application du décret.

Certes, la fréquence diminue entre fin février 2025 et fin juillet 2025, mais il est résolument impossible de prétendre, aujourd’hui, que cette réduction est liée à cette mesure coercitive. Pour 2 raisons :

  • D’abord, parce qu’il est encore trop tôt : une année pleine sera nécessaire pour se prononcer sur des fréquences annuelles et des durées moyennes par arrêt (un arrêt pouvant s’étaler sur plusieurs mois).
  • Enfin, si l’on superpose les observations de début 2025 avec les 2 exercices précédents, comme sur le graphique suivant, on distingue très clairement un phénomène de saisonnalité.
Fréquence mensuelle moyenne par agent 2024

Ici, la superposition par rapport aux exercices antérieurs est frappante : une fréquence élevée en hiver, qui diminue ensuite jusqu’en août et repart à la hausse en septembre.

La courbe bleue relative à l’exercice 2025, affiche une fréquence plus remarquable en début d’année, ce qui est particulièrement exceptionnel en comparaison des données des années précédentes.

Par ailleurs, il ne se constate pas de changement à partir de l’entrée en vigueur du décret. La courbe bleue suit une pente descendante de janvier à mai et semble se rapprocher de la fréquence observée en 2024 (courbe verte).

Quelle incidence sur la durée des arrêts ?

Quel que soit l’exercice, la durée moyenne d’un arrêt augmente progressivement en hiver.

En été, un pic se manifeste au mois de juillet : il y a moins d’arrêts courts car les agents sont en vacances. Ce sont donc les arrêts longs qui font monter la moyenne mensuelle.

Là encore, pas d’observation notable depuis la mise en application du décret. Il est tout de même à considérer que la durée moyenne d’un arrêt est plus importante au mois de mai 2025 qu’en mai 2024 et mai 2023.

Augmentation des accidents de travail et de trajet

Ainsi, après seulement quelques mois de mise en place, il ne se constate pas d’effet franc sur les arrêts maladies ordinaires, que ce soit sur leur fréquence ou leur durée, comme l’espérait l’Exécutif.

Pour prendre le pouls sur le terrain, Adelyce a sondé l’intégralité de son équipe Consulting. Nathalie Huvé, consultante senior auparavant en postes RH pendant 25 ans au sein de la fonction publique territoriale, s’est chargée de compiler les divers retours. Son témoignage est éloquent : les effets attendus sont encore difficilement mesurables, mais le ressenti sur les effets de bords et le déploiement de stratégies de contournements se démontre déjà bien présent.

« Nous ne sommes qu’à 8 mois de l’exécution du décret, l’impact financier est pour l’instant difficile à mesurer pour nos clients Adelyce. Ils ont toutefois constaté autrement cet impact. Dans un premier temps, ils ont observé que les arrêts sont peut-être moins nombreux mais de plus longue durée, malgré le jour de carence et une réduction de leur traitement de base et de leur régime indemnitaire. Et dans un second temps, un accroissement notable du nombre de déclarations d’accidents du travail et de mi-temps thérapeutiques qui, eux, permettent un maintien total du salaire ».

Le graphique ci-dessous affiche l’évolution du nombre d’arrêts ayant pour motif des accidents de travail et de trajet.

Fréquence mensuelle moyenne par agent_Accidents de travail et de trajet 2024

En 2025, le nombre d’arrêt actifs par mois (courbe bleue) est toujours plus élevé qu’en 2023 et 2024. De plus, là où l’on pouvait observer un retour à la normale sur les précédents graphiques, les arrêts pour accident semblent se maintenir.

Une légère augmentation se distingue donc, mais rien de profondément manifeste. Si la tendance se généralise et vient à se fixer de façon permanente au-dessus des années précédentes (et pas juste sur 2-3 mois), on pourra alors parler d’une hausse réelle.

Perception des agents : entre sentiment d’injustice, dissuasion et présentéisme

Ces potentielles stratégies de contournements que constituent les arrêts longs ou pour accidents de travail/trajet posent la question de la perception des agents sur ce décret coercitif. Un sujet sur lequel éclaire Laurence Malherbe, manageuse d’une quarantaine d’agents au sein de la Direction Affaires Générales Juridique et Contentieux de la commune d’Antibes et de la communauté d’agglomération Sophia Antipolis, mais aussi co-animatrice de la e-communauté Management Public Territorial du CNFPT :

« La fin du plein traitement est mal vécue par les agents. Au-delà de quelques comportements particuliers, elle laisse penser que leur vulnérabilité, qu’elle soit liée à l’âge ou à leur situation financière, n’est pas reconnue : elle contribue à nourrir un sentiment de défiance.
L’expérience du jour de carence est éclairante. S’il avait initialement permis de réduire le nombre d’arrêts courts, on sait qu’il a incité au présentéisme. La crainte de pertes de revenus a conduit les agents à venir travailler malades et à laisser s’installer des pathologies plus durables. Ce phénomène est difficilement mesurable, un véritable angle mort. L’analyse de la gravité des arrêts pourrait éclairer mais elle est perturbée par le vieillissement général des effectifs. »

Limites et impacts à long terme

Cet angle mort représente aussi un risque mis en avant par Fatéma Safy-Godineau dans ses travaux de recherche.

Avec Adelyce, elle a décortiqué les effets potentiels de la fin du plein traitement grâce aux enseignements tirés de la mise en place du jour de carence. Elle souligne les limites et impacts à long terme de ces types de dispositifs.

« Toutes les études (INSEE, DARES, DGAFP, Sofaxis) montrent que les mesures coercitives, comme le jour de carence ou la fin du plein traitement, engendrent des effets court-termistes, illusoires et contre-productifs. Ainsi, les différentes recherches ont prouvé que l’introduction du jour de carence avait eu tendance à diminuer la prévalence des arrêts courts, mais que parallèlement la durée des absences s’en est retrouvée allongée. Ainsi, le jour de carence vient engendrer une modification du comportement d’absentéisme, mais il ne le réduit en aucun cas. Le rapport de 2024 de l’IGF confirme ce propos en montrant finalement que, si des économies budgétaires sont réalisées, elles n’agissent en rien sur le volume global des absences ».

La maitresse de conférences identifie en outre, de concert avec Laurence Malherbe, un second effet de bord qu’elle juge bien plus préoccupant : le présentéisme. Elle stipule que ce comportement dégrade la santé au travail sur le long terme et engendre un futur absentéisme. Un absentéisme plus fort, plus grave, plus long et finalement plus coûteux pour les collectivités.  

Fatéma Safy-Godineau rajoute : « Nous sommes finalement sur des mesures qui ignorent la réalité du secteur public. Premièrement, dans la FPT, les métiers sont pénibles. Physiquement et psychiquement. Comme les métiers de la petite enfance, de l’aide sociale, du médico-social, de la restauration collective, du nettoyage, de l’entretien… Sur le long terme, ils engendrent la question de la soutenabilité compte-tenu des maladies professionnelles, des accidents de travail, des exigences émotionnelles et épuisements professionnels que ces métiers vont soulever ».

Secondement, la chercheur met également en avant que, parmi cette réalité territoriale, réside la transformation exponentielle de l’emploi public. Ce dernier se technicise, se professionnalise, et pose la question derrière de la montée en compétences que l’on offre aux agents et de l’employabilité. Des inquiétudes aujourd’hui importantes pour les agents publics et qui ne sont pas considérées dans le cadre des dispositifs mis en place pour lutter contre l’absentéisme.

Quelles solutions concrètes pour réduire l’absentéisme ?

À la lueur des divers témoignages recueillis auprès de Fatéma Safy-Godineau, Laurence Malherbe et Nathalie Huvé, Adelyce a identifié plusieurs leviers d’action à la portée des collectivités pour diminuer l’absentéisme au sein de leurs équipes.

Pour tout savoir sur ces solutions RH et comprendre quels mécanismes activer :

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